Œuvre

Acción / Intimidad Publica

Légende

Performance qui aura lieu le 20 juin 2013 sur le toit du Palais de Tokyo.

Artiste

Par

Texte

Des explosions de couleurs, une énergie éblouissante, des passages lyriques imprégnés d’une force aspirant la gravité, une harmonie aléatoire, et une calme dispersion – rien de tout cela n’est nouveau, relevant d’un langage emprunté à l’expressionnisme abstrait. Mais dans Intimidad publica de Juliana Iriart, c’est le monde qui se fait toile, et les couleurs ne se dissolvent pas de façon indélébile sur une surface, mais dans nos souvenirs, nos sentiments, en nous-mêmes. Le mode opératoire est de la plus grande simplicité : des carrés découpés dans du papier de couleur sont lancés du haut d’un immeuble, recréant la magie d’un feu d’artifice. Le rôle de l’artiste ‘héroïque’ est ici tenu par n’importe qui, généralement un ami, un ami d’ami ou un petit groupe qui largue les couleurs au coucher du soleil.

A l’origine de l’art, il y a un événement social, une énergie de groupe d’abord suscitée, puis libérée, tout part de visages souriants, puisqu’avant-même que l’image soit produite, des gens sont rassemblés au coude à coude : là-haut, observant la rue, attendant le signal, les mains tâtant le papier, les bras à-demi plongés dans les sacs de couleurs, immersion enfantine dans les matériaux,  où l’art est plus une sensation qu’une idée. En bas, certains comprennent que quelque chose va se produire, et une curiosité primitive les cloue sur place, les yeux levés. D’autres, à quelques minutes de l’événement, ignorent qu’une surprise les attend bientôt, leurs pas les dirigeant exactement vers la trajectoire d’Intimidad publica, et eux, qui n’ont en rien prévu de voir de l’art ce soir-là, vont découvrir que c’est plutôt l’art qui vient les accueillir à bras ouverts.

Ce lancer festif de confetti ne célèbre nulle occasion majeure, nul combat prestigieux : c’est l’événement en lui-même, et les spectateurs sont libres de projeter dessus leurs propres justifications ; une manifestation purement esthétique, mais avec quelque chose de plus : offrir un bon moment, un sentiment positif – et c’est ce sentiment que célèbrent les confetti, un message sur la façon de vivre le quotidien, affirmant qu’il faut faire la fête même si l’on n’a rien à fêter, que c’est en le réalisant que l’on crée quelque chose, que nous sommes libres de faire œuvre positive ; c’est à cela que je pense quand je m’imagine regardant les confettis dans le ciel, l’idée que chaque couleur flotte comme une graine qui ne demande qu’à pousser.

Les morceaux de papier sont libres, réagissant au vent, dansant avec le ciel dans leur chute. Tombé au sol, chacun d’eux finira par être balayé, devenant ainsi une part invisible de la ville. D’où cette nouvelle idée : se demander si d’autres détritus, d’autres matériaux plus petits, isolés et humbles que nous rencontrons ne font pas en fait partie de quelque œuvre plus vaste, et reconstituer ces autres œuvres, en un acte généreux, parce qu’Intimidad publica peut paraître éphémère, n’exister qu’un instant, mais détient aussi cet autre pouvoir, ce potentiel de développement : nous permettre d’imaginer d’autres œuvres d’art et de voir au-delà de l’espace muséal.